10/04/2020
Polémique autour de la redistribution de cotisations par la MAIF
En décidant de ristourner 100 M€ à ses sociétaires pour tenir compte de la chute vertigineuse de la sinistralité auto durant le confinement, la MAIF lance un pavé dans le Landerneau assurantiel.
La FFA (qui a déjà versé 200 k€ pour soutenir les TPE) estime qu’un tel remboursement n’est pas de mise car le gain total pour la profession serait seulement de 300 k€. Par ailleurs, les « dommages collatéraux » (comprendre en Santé et en Prévoyance) seraient bien plus importants (1,3 Md€).
La CGT-Matmut, ainsi que Groupama montent au créneau pour fustiger ce geste à l’égard des clients.
Quels arguments sont avancés ?
Bien sur, l’envolée des coûts en Santé et Prévoyance, et le non-versement des cotisations par les TPE-PME, aussi le risque qu’une castastrophe naturelle en cours d’année vienne dégrader les résultats, et encore la nécessité d’une analyse technique sur l’année et non au mois le mois,…
N’étant ni actuaire ni X, je dois certainement me tromper. Mais si on reprend les chiffres officiels (site de la FFA), l’encaissement annuel auto toutes sociétés confondues est de l’ordre de 22,1 Mds€ données 2018) ; ce qui donne, moyennant un chargement moyen de l’ordre de 25% : 16,5 M€ de charge de sinistres. A raison de 52 semaine par an, cela fait 317 k€ par semaine. Si l’on reprend la baisse annoncée par Pascal Demurger, soit 75 %, la charge de sinistres économisée serait donc de l’ordre de 238 k€ par semaine ; donc pour 8 semaines : 1,9 M€.
Mais, encore une fois, je dois me tromper !
Quant à l’augmentation des coûts en Santé et Prévoyance, rappelons :
- d’une part qu’il ne s’agit pas de la même branche et qu’en assurance, l’équilibre technique s’apprécie branche par branche et non en globalité (ou alors ça a vraiment changé depuis mes études !)
-d’autre part qu’une bonne partie des intervenants sur ces risques d’assurances de personnes sont peu ou pas actifs en assurance auto.
- et que nombre d’acteurs en assurance auto interviennent en Santé, voire en Prévoyance, via des entités juridiques différentes ou des partenariats.
Enfin, la perspective d’une catastrophe naturelle est une ficelle trop grosse pour être recevable : complètement aléatoire et faisant intervenir la réassurance…
Contrairement à ce qu’avance Thierry Martel, si effectivement, les résultats doivent s’apprécier sur l’ensemble de l’exercice, on peut d’ores et déjà considérer que les assureurs auto ont économisé près de 2 Mds€ !
Le remboursement des cotisations peut légitimement passer pour un coup de pub comme l’on avancé certains détracteurs.
Alors, la bonne décision était-elle de les rendre aux sociétaires alors que nous avons besoin de tous les soutiens possibles pour combattre le Coronavirus et ensuite pour relancer la machine économique ?
Pour une entreprise qui se veut « à mission », j’aurais préféré qu’on laisse aux sociétaires le choix de consacrer tout ou partie des sommes économisées au soutien à la lutte COVID 19 ou au remboursement des cotisations…
04/04/2019
Le « tout-technologie » au service de la Relation-Client : une fausse bonne idée ?
Alors que nombre d’acteurs du secteur des services – et en particulier de la Banque et de l’Assurance – ne jurent que par le développement de technologies (I.A., chats, bots,…) pour gérer le contact client, le flop de l’hôtel Henn-ha près de Nagasaki fournit un éclairage intéressant.
C’est un article de La Tribune (https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/relation-client-les-lecons-de-l-echec-du-premier-hotel-entierement-robotise-809740.html) qui relate la mise en place de robots à l’accueil de l’hôtel en remplacement du personnel habituel en chair et en os.
Si leur efficacité s’est avérée pour des demandes très simples, il n’en fut pas de même pour traiter des demandes, questions, attentes plus subtiles. Ceux-ci se montrant incapables (en l’état actuel de leur développement en tout cas) d’empathie, d’adaptabilité, d’intelligence des situations.
Résultat : une grande partie des robots de l’hôtel a tout simplement été supprimée pour manque d’efficacité.
Voici donc un beau sujet de réflexion pour les assureurs (c’est sans doute déjà trop tard pour les banquiers !) : la Relation-Client, ce n’est pas que le traitement efficace des demandes dans le cadre des quelques processus-clés !
Quand un client souscrit, quand il pose une question, il y a généralement une inquiétude sous-jacente. Il faut la comprendre, aller au-delà de ses interrogations, le rassurer.
Quand au sinistre, même lorsqu’il ne s’agit que de tôle froissée, c’est souvent un traumatisme pour le client. Dès lors, que penser de campagnes de communication arguant que l’on peut déclarer un sinistre en 3 clics ?
Oui, la technologie permet d’améliorer le service au client, mais jusqu’à preuve du contraire, le « tout technologie » n’est pas le Graal. Grâce à la technologie, le conseiller (augmenté) valorise son rôle et répond à un vrai besoin du client face à ce monde ténébreux qu’est l’Assurance.
Ne nous trompons pas de stratégie !
12:48 Publié dans BIG DATA, Communication, Moyens de gagner la confiance, Service Client, Sources de perte de confiance | Lien permanent | Commentaires (0)
16/07/2018
Nouvelles approches, nouveaux concepts : épiphénomènes ou prémisses de disruption ?
Le domaine de l’Assurance est en permanence challengé par de nouvelles approches, la plupart du temps basées sur les technologies de communication : Collaboratif, PHYD, Assurance On Demand, Affinitaire, P2P,…
Comme toutes les innovations, il y a fort à parier que 90% seront des échecs. Cependant, les 10% restant sont-ils de nature à révolutionner en profondeur les mécanismes assurantiels ? Et avec quelle rapidité ?
Les experts et professionnels invités lors de la Matinée d’Echanges du 12 juin (voir programme : https://www.newsassurancespro.com/produit/nouvelles-approches-nouveaux-concepts-epiphenomenes-premisses-de-disruption), à défaut de dégager des certitudes absolues, ont permis d’y voir un peu plus clair.
Les angoisses liées à ces nouvelles approches ne sont pas liées à l’innovation elle-même ; l’Assurance n’a, depuis des décennies, cessé d’innover, de se transformer. Non, l’angoisse est, au-delà de la disruption, celle de l’ubérisation ; c'est-à-dire du nouvel entrant complètement étranger au secteur qui raflerait les marchés sans les contraintes des acteurs en place comme cela a été le cas en matière de taxi (Uber) ou d’hébergement (RBnB).
Ces ubérisateurs sont dans 95% des cas étrangers au secteur qu’ils investissent et, pour ce faire, s’appuient sur un modèle économique innovant, s’affranchissant des règles établies et proposant une nouvelle façon de travailler. La technologie n’est qu’un moyen au service de la stratégie. Elle constitue cependant un levier majeur et est à l’origine de la plupart des mutations. En effet, les trois sous-jacents de l’ubérisation sont :
- le numérique pour tous
- la modification de la consommation liée au digital (comparaison, infidélité, notation, UX,…)
-l’indépendance plus grande (notion d’usage, nouveaux modes de travail,…)
L’ubérisation est un phénomène rapide : tous ses acteurs bien connus ont moins de 10 ans.
On en distingue trois types :
- ceux qui s’attaquent au cœur de métier
- ceux qui s’attaquent à la distribution
- ceux qui s’appuient sur les nouveaux usages
Si la transformation radicale d’un marché est le fait d’acteurs proposant de nouvelles offres, de nouvelles expériences, elle est aussi facilitée par les comportements des consommateurs. En ce sens, l’émergence d’approches affinitaires répond au souhait d’adaptation de l’assurance à la situation précise de l’individu.
Aujourd’hui, le marché se compose de multiples générations. On a beaucoup parlé des X, puis des Y et maintenant des Z. Mais la génération future sera celle des Alpha, c'est-à-dire alimentée par ceux qui naissent actuellement et qui ne connaîtront que l’âge du numérique, du sans-couture, de la transparence, de l’oral. Le jeu et le divertissement tiendront pour eux une place majeure et l’optimisme sera de retour (paraît-il)…
Mais si la transformation radicale de l’Assurance peut être le fait de l’arrivée au pouvoir des Alpha, il faut néanmoins anticiper les risques de disruption, voire s’auto-disrupter.
Pour ce faire, le meilleur moyen reste d’écouter le client. La veille actuelle est trop souvent axée sur la surveillance de l’existant, sur ce qui se dit sur la marque alors que c’est la catégorie qu’il faut étudier et comprendre comment les consommateurs vont vivre demain. A cet égard, l’avènement du Web 4.0 avec le Phygital (mix du digital et du physique) est déjà parfaitement d’actualité avec les objets qui rendent service.
La transformation radicale est bien du domaine de la stratégie d’entreprise. Le digital n’apparaît alors que comme un moyen. Cependant, s’il modifie le business-model, il devient une finalité ; de fait il est du domaine de la direction générale et fait l’objet d’une réflexion à long terme : nouveau regard sur le marché, questionnement sur le business-model, ROI difficile à prédire, besoin d’équipes au profil digital.
A l’opposé, le digital au service de la performance opérationnelle reste un moyen au service d’une vision plus court-termiste, permettant un ROI mesurable.
La démarche de disruption commence par l’identification des aspirations des consommateurs et des irritants, sachant qu’en la matière de nouveaux standards sont imposés par les nouveaux entrants... Il faut ensuite faire abstraction de l’organisation pour construire un nouveau business-model, comme l’a fait OSCAR aux USA.
Aujourd’hui, il n’existe guère d’exemple de disruption massive dans le domaine de l’assurance. L’inertie du consommateur y est pour beaucoup car l’assurance n’est pas au cœur des préoccupations et de l’intérêt des clients. Les innovations mises en marché concernent des niches de marché souvent délaissées par les assureurs et peinent à trouver leur essor à moins d’être épaulées par des groupes d’assurance puissants. Ces offres spécifiques qui complètent les contrats classiques sont alors conçues avec une extrême simplification au niveau de la souscription. Reste que lorsque que l’offre émane d’un assureur, le risque existe que les clients demandent soit à en bénéficier, soit à aménager leur contrat en cours pour en réduire le coût…
Un autre obstacle est celui de la règlementation. L’assurance est une activité très encadrée (de plus en plus…) et gourmande en capitaux (pour une rentabilité pas toujours au rendez-vous !).
Des innovations récentes se sont ainsi heurtées à une réalité simple : rassembler des individus en vue de prendre en charge un risque aléatoire est une opération d’assurance et de ce fait est soumis aux mêmes règles que les acteurs en place…
A défaut de réinventer l’Assurance libérée de Solva 2, DDA et autres obligations, les disrupteurs ont sans doute devant eux un gisement à exploiter, notamment en s’appuyant sur l’Intelligence Artificielle : la distribution. Et la, il va y avoir du sport…
12:29 Publié dans BIG DATA, Communication, Distribution, Marketing, Règlementation | Lien permanent | Commentaires (0)