14/02/2022

Repousser les limites de l’Assurance

Repousser les limites de l’Assurance, un impact fort sur les métiers.
Repousser les limites de l’Assurance, de nouveaux métiers à inventer.
Elargir le champ de l’Assurance impose notamment de revisiter les métiers.

 

Historiquement, l’Assurance est régie, d’une part par la règlementation et le Droit et, d’autre part par sa capacité technique à gérer des risques. Elle intervient dans le cadre de règles qui lui sont imposées : Code Civil, Code des Assurances, règlementations diverses, garanties définies par la Puissance Publique (garanties obligatoires, panier de soins, etc.).

Sa capacité d’intervention est aussi limitée au plan technique et financier : SMP, fréquences, anti-sélection,… Cependant, des dispositifs spéciaux ont été créés pour élargir les possibilités de couverture : CATNAT, coassurance, réassurance,…

L’introduction du Marketing dans l’assurance dans le courant des années 70 a fait prendre conscience des distorsions entre les besoins (définis par l’assureur) et les attentes des consommateurs.
Néanmoins, cela n’a fait évoluer la profession qu’à la marge : extensions de garanties (ex. valeur à neuf), multirisques,… bien que des avancées notables aient été opérées, comme avec la Convention IDA, la généralisation des prestations d’assistance, etc.

Au final, l’Assurance reste pourtant mal aimée et pâtit d’une mauvaise image et de défiance alors que l’idée même d’assurance est basée sur la confiance réciproque ! On notera au passage la discordance entre les conversations (au café du commerce ou sur la toile), la presse et les résultats des baromètres de satisfaction ou de relation client !
La tendance actuelle est à l’innovation technologique et au verdissement de l’assurance. S’agit-il de réelles attentes des clients ? Le doute est permis lorsque l’on sait qu’une majorité de consommateurs est favorable au respect de l’environnement, aux conditions de fabrication et à la proximité de production, mais qu’en situation d’achat, ils choisissent le produit le moins cher fabriqué à 20.000 km !
Quant à simplifier l’assurance, est-ce une utopie ?
Oui, car la matière est complexe, liée à la règlementation et au Droit et comporte de multiples intervenants (assureur, assuré, victime, ayants-droit, experts, intermédiaires, réparateurs,…).
L’assurance en 3 clics est une chimère car elle écarte l’identification des besoins qui est indispensable même pour les risques de masse (usage réel d’un véhicule, déclaration des conducteurs, protections vol, existence de dépendances, activités annexes, etc.). Items que l’on retrouve bien souvent parmi les exclusions des conditions générales ou dans les déclarations pré-imprimées des conditions particulières !

Et malgré des tentatives de clarification, personne ne lit jamais son contrat. Quand bien même ce serait le cas, qui en évaluerait correctement la portée ?
A moins que l’on ne se dirige vers des formules Tout-Sauf ; mais il s’agit là d’un point bloquant avec les techniciens…

Couvrir le plus largement possible les risques majeurs : la pandémie du covid a montré que les assureurs n’étaient pas armés face à de telles situations. Pourtant, c’est bien ce qui se profile pour les prochaines années : risques climatiques, cyber-risques, pandémies,…
Alors que de son côté, l’Etat invente le « Quoiqu’il en Coûte » les assureurs pourront-ils rester à l’écart ? Quel pourra être leur rôle ?

Diverses pistes s’ouvrent sans pour autant remettre en question les fondamentaux de l’Assurance :
. La prévention : grande oubliée pendant longtemps alors qu’elle fait partie intégrante de la mission d’assurance ;

. Rapprocher les intérêts de l’assuré et de l’assureur. Pour ce faire, il existe une garantie malheureusement trop peu souscrite : la Perte d’Exploitation. Certes, elle est plus facile à développer auprès des entreprises et professionnels, nonobstant la problématique du coût (mais qui serait partiellement résolue avec une couverture large). Sa mise en œuvre auprès des particuliers demande un peu plus d’imagination. Mais les services Marketing ne sont-ils pas là pour ça ?

. L’accompagnement tout au long du contrat pour toujours ajuster les garanties aux besoins (curieusement ce suivi a été rendu obligatoire par la DDI mais n’est pas mis en œuvre !), mais aussi lors d’un événement important qu’il soit garanti ou non.

. Développer des activités de service.
Bien que classée dans les activités de services, l’Assurance n’est pas un service. En tout cas, le fait de rembourser des dommages plusieurs mois après un sinistre n’entre pas dans ce cadre. L’Assistance, elle, est un véritable service car elle intervient sur place au moment du sinistre.
Mais au-delà du sinistre, l’assureur peut-il promouvoir des services ?
Il y a une dizaine d’année, le thème des plateformes de services était dans l’air du temps. On pouvait alors imaginer que sur le modèle de grandes plateformes commerciales - principalement américaines - l’assureur pourrait mettre à disposition de ses clients des produits ou services sélectionnés et négociés par lui. La réparation en nature existant déjà pour les sinistres MRH pouvait constituer une première marche en proposant ses services hors du sinistre (embellissement, isolation, travaux divers,…). Las, cette idée n’a pas été concrétisée et on voit mal comment aujourd’hui concurrencer les multiples plateformes qui se sont créées, sans parler des habitudes de consommation qui les ont accompagnées.

. Devenir « l’Ange Gardien » de l’assuré.  (C’est ainsi qu’un panel d’étudiants avaient rêvé l’assureur idéal lors d’une enquête menée par le LAB il y a quelques années).
Mais il y a là du chemin à parcourir (ou à regagner) car la processisation des métiers a tué l’initiative terrain, alors même que c’était le leitmotiv de la Total-Quality Management (années 90) où l’on ne parlait que d’empowerment…
L’engouement pour la Qualité a cédé la place au Digital. Mais à l’issue des nombreuses années « d’implémentation », les études montrent que les clients attachent une importance croissante à l’Humain. Nul doute donc que les métiers de demain donneront une place accrue à la relation, à l’empathie et à l’initiative… avec, bien sûr, le soutien de la technologie, notamment de l’I.A.

 

 

Christian PARMENTIER
Président du Think-Tank DEMAIN L’ASSURANCE
christian.parmentier@demainlassurance.org/

18/01/2021

LE PARADOXE DE L’ASSURANCE ON DEMAND .

Photo CP été 2017 - Cham.jpgLes insurtechs qui s’adressent au monde de l’assurance présentent de multiples facettes :

  • L’apport d’une technologie au service de l’assurance comme Shift Technology
  • L’assurance ponctuelle comme l’assurance voyage ou retard d’avion (Moonshot)
  • L’assurance de masse (auto, santé, MRH) : ex. Alan
  • Le déclenchement de garanties de contrats de masse en fonction de l’usage (à la demande) comme Wilov.

Il est indiscutable que l’apport d’outils utilisant de nouvelles technologies et le big data sont de nature à améliorer l’efficience du secteur ainsi que le service rendu. On pense notamment aux alertes météo à l’intention des assurés concernés.

L’assurance se souscrivant en quelques clics reste largement cantonnée à de petits produits supplémentaires avec des primes très faibles et concerne des activités ou des événements précis non pris en charge par les contrats classiques : voyage, retard d’avion, mobilité douce,… Leur développement est contraint par la capacité de distribution, la faiblesse des primes eu égard aux coûts de gestion/distribution et la rentabilité technique liée à l’antisélection incontournable de ce modèle.

Quelques opérateurs proposent des contrats d’assurance de masse. Mis à part certains comme Alan qui a, dès l’origine, orientée son offre vers un segment identifié et perméable aux NTIC (nouvelles entreprises du secteur hightech), la percée sur le marché de masse reste marginale. En effet, la concurrence sur  ces marchés est telle que toute percée impose des investissements considérables (je renvoie ici aux analyses stratégiques du BCG). On peut aussi penser que lorsque la cotisation annuelle atteint plusieurs centaines d’euros, le conseil physique retrouve  toute sa place.

Un nombre croissant d’opérateurs semblent aujourd’hui intéressés par le déclenchement de garanties en fonction de l’usage. Parallèlement, les cabinets de consulting n’hésitent pas à prôner ce modèle potentiellement générateur de missions juteuses. Une Insurtech comme Wilov commercialise un contrat auto dont la garantie Dommages est activée par le smartphone à chaque utilisation du véhicule. L’idée, si elle est originale, me semble semble aller à contre courant des efforts des assureurs depuis des décennies pour protéger au maximum les assurés en contenant les coûts (rappelons que les cotisations auto en France sont parmi les plus basses d’Europe).

En effet, les contrats se sont enrichis au fil du temps de nombreuses garanties intégrées dans les formules, qui vendues au cas par cas n’auraient pas connu le même développement et auraient été plombées par le risque d’antisélection : assistance, voyage villégiature,  garanties complémentaires auto, pertes en congélateur, etc.

En intégrant ces garanties, l’assureur permet à son client de ne plus penser à son assurance car tout (ou presque) est prévu. C’est bien là le rôle premier de l’Assurance que de permettre à l’assuré de se sentir tranquille et protégé, notamment contre les dangers qu’il est incapable d’imaginer.
Si demain on doit déclencher sa garantie auto à chaque fois que l’on prend le véhicule (et je passe les fois ou le smartphone n’est pas opérationnel : déchargé, en panne, prêté, en sous-sol,…) !
Si l’on doit penser à souscrire une RC locative et un capital lorsque l’on part en voyage ou en week-end !
Récemment, un consultant suggérait dans l’un de ses papiers de ne mettre en marche la garantie vol que lorsque l’on était absent alors qu’une partie des cambriolages a lieu quand les occupants sont là, et puis quid de la garantie Introduction Clandestine ?
Et tout ça, bien sur, sans évoquer l’antisélection puisque la garantie ne sera active que lorsqu’il y aura risque ; donc la prime n’a pas lieu d’être réduite, d’autant qu’il faut gérer les multiples suspensions/remises en vigueur ainsi que les primes y afférentes.
Ce type d’assurance on-demand, censé donner le pouvoir à l’assuré de gérer au mieux ses garanties équivaut en réalité à le mettre en risque de non-garantie le jour où il aura oublié ou pas été en mesure d’actionner la prise d’effet.
Comme souvent dans les innovations d’aujourd’hui, on perçoit la priorité donnée à la technologie, à un pseudo modernisme, aux dépens de la réalité du terrain.

Christian PARMENTIER

19/11/2020

Un PGE de l’Assurance ?

Argent tombant du ciel.jpgOn commence à entendre parler de la nécessité de créer un équivalent du PGE pour les assureurs !
Certes, ce sont surtout pour le moment des suggestions de chroniqueurs intervenant dans les débats sur un peu tous les sujets sans en être connaisseurs. Mais méfions-nous de ces idées farfelues qui se propagent à la vitesse des réseaux sociaux.
Qu’est que le PGE ? Un prêt par les établissements bancaires aux entreprises impactées par la pandémie. Ce prêt est limité à la fois dans ses conditions d’obtention et dans ses montants et son remboursement est garanti par l’Etat.

Pour un banquier, l’autoriser/l’inciter à débloquer des crédits au-delà  de ses capacités et de la règlementation ne semble à-priori pas poser de problème majeur si l’Etat est caution ; sur les marchés financiers, l’argent se trouve, d’autant que les taux sont très bas sinon négatifs.

Alors pourquoi ne pas imaginer la même chose avec les assureurs ? Comme souvent, ceux qui n’y connaissent rien font l’amalgame entre Banque et Assurance alors qu’en dehors de certaines similitudes (fidélité de la clientèle, monde des services financiers, investisseurs institutionnels), ce sont deux mécanismes bien distincts.


Pour l’assurance, à quoi ressemblerait une IGE (Indemnisation Garantie par l’Etat) ?  
Un remboursement de pertes d’exploitation au bénéfice d’entreprises non garanties, c’est-à-dire sans cotisations préalables, donc sans provisions techniques ?
Le cycle économique de l’assurance exige d’encaisser d’abord les primes et de régler ensuite les sinistres survenus. Sinon où prendre l’argent autrement que sur les provisions techniques des contrats régulièrement souscrits ?
Le modèle ressemble plus à l’assurance des pays de l’est avant la chute du mur de Berlin qu’à l’assurance du 21e siècle régie en outre par Solvency 2.
Décidément cette Covid 19 est la source de toutes les élucubrations !