25/01/2021

Conditions générales, quand est-ce que ça a foiré ?

Certes, il est maintenant aujourd’hui obligatoire de remettre un document synthétique au client (IPID).
Certes les clients ne lisent toujours pas leur contrat. Ce n’est pourtant pas preuve de n’avoir pas fait des efforts. Durant plusieurs décennies au cours du siècle précédent, les initiatives n’ont pas manquées :
- En 1977, je réalisais à l’UAP le premier contrat en langage clair conçu avec un focus group d’assurés. On appelle ça aujourd’hui le Design Thinking… Hormis dans l’adresse à l’assuré où il était fait mention du Code des Assurances régissant les rapports, aucune référence juridique dans le texte ; qui lui-même tenait en 8 pages (hors couverture), langage direct (vous/nous), simplification des garanties,…
- Dans les années qui suivirent, les compagnies (les mutuelles conservaient leurs contrats illisibles) tentèrent d’améliorer la lisibilité des contrats : caractères plus gros, meilleure mise en page, style direct et même (chez Via-Assurances) des illustrations de belle qualité.
- on citera également les tableaux synthétiques des garanties relativement complets et présentés agréablement qui évitaient de se reporter aux CG.
Des échanges – parfois tendus – entre les services généraux, le Marketing et la Communication aboutirent en général à une normalisation des pages de couverture : couleur de branche, illustration ou photo, etc.

Alors aujourd’hui, quand on reçoit (par le biais de son réseau car mes 4 demandes à mon courtier sont restées vaines !) des CG MRH de Generali sans aucun effort esthétique et 62 pages à s’avaler, on se dit que le nouveau monde a vraiment perdu quelque chose en route !IMG_4691.jpgIMG_4688.jpgIMG_4687.jpg

18/01/2021

LE PARADOXE DE L’ASSURANCE ON DEMAND .

Photo CP été 2017 - Cham.jpgLes insurtechs qui s’adressent au monde de l’assurance présentent de multiples facettes :

  • L’apport d’une technologie au service de l’assurance comme Shift Technology
  • L’assurance ponctuelle comme l’assurance voyage ou retard d’avion (Moonshot)
  • L’assurance de masse (auto, santé, MRH) : ex. Alan
  • Le déclenchement de garanties de contrats de masse en fonction de l’usage (à la demande) comme Wilov.

Il est indiscutable que l’apport d’outils utilisant de nouvelles technologies et le big data sont de nature à améliorer l’efficience du secteur ainsi que le service rendu. On pense notamment aux alertes météo à l’intention des assurés concernés.

L’assurance se souscrivant en quelques clics reste largement cantonnée à de petits produits supplémentaires avec des primes très faibles et concerne des activités ou des événements précis non pris en charge par les contrats classiques : voyage, retard d’avion, mobilité douce,… Leur développement est contraint par la capacité de distribution, la faiblesse des primes eu égard aux coûts de gestion/distribution et la rentabilité technique liée à l’antisélection incontournable de ce modèle.

Quelques opérateurs proposent des contrats d’assurance de masse. Mis à part certains comme Alan qui a, dès l’origine, orientée son offre vers un segment identifié et perméable aux NTIC (nouvelles entreprises du secteur hightech), la percée sur le marché de masse reste marginale. En effet, la concurrence sur  ces marchés est telle que toute percée impose des investissements considérables (je renvoie ici aux analyses stratégiques du BCG). On peut aussi penser que lorsque la cotisation annuelle atteint plusieurs centaines d’euros, le conseil physique retrouve  toute sa place.

Un nombre croissant d’opérateurs semblent aujourd’hui intéressés par le déclenchement de garanties en fonction de l’usage. Parallèlement, les cabinets de consulting n’hésitent pas à prôner ce modèle potentiellement générateur de missions juteuses. Une Insurtech comme Wilov commercialise un contrat auto dont la garantie Dommages est activée par le smartphone à chaque utilisation du véhicule. L’idée, si elle est originale, me semble semble aller à contre courant des efforts des assureurs depuis des décennies pour protéger au maximum les assurés en contenant les coûts (rappelons que les cotisations auto en France sont parmi les plus basses d’Europe).

En effet, les contrats se sont enrichis au fil du temps de nombreuses garanties intégrées dans les formules, qui vendues au cas par cas n’auraient pas connu le même développement et auraient été plombées par le risque d’antisélection : assistance, voyage villégiature,  garanties complémentaires auto, pertes en congélateur, etc.

En intégrant ces garanties, l’assureur permet à son client de ne plus penser à son assurance car tout (ou presque) est prévu. C’est bien là le rôle premier de l’Assurance que de permettre à l’assuré de se sentir tranquille et protégé, notamment contre les dangers qu’il est incapable d’imaginer.
Si demain on doit déclencher sa garantie auto à chaque fois que l’on prend le véhicule (et je passe les fois ou le smartphone n’est pas opérationnel : déchargé, en panne, prêté, en sous-sol,…) !
Si l’on doit penser à souscrire une RC locative et un capital lorsque l’on part en voyage ou en week-end !
Récemment, un consultant suggérait dans l’un de ses papiers de ne mettre en marche la garantie vol que lorsque l’on était absent alors qu’une partie des cambriolages a lieu quand les occupants sont là, et puis quid de la garantie Introduction Clandestine ?
Et tout ça, bien sur, sans évoquer l’antisélection puisque la garantie ne sera active que lorsqu’il y aura risque ; donc la prime n’a pas lieu d’être réduite, d’autant qu’il faut gérer les multiples suspensions/remises en vigueur ainsi que les primes y afférentes.
Ce type d’assurance on-demand, censé donner le pouvoir à l’assuré de gérer au mieux ses garanties équivaut en réalité à le mettre en risque de non-garantie le jour où il aura oublié ou pas été en mesure d’actionner la prise d’effet.
Comme souvent dans les innovations d’aujourd’hui, on perçoit la priorité donnée à la technologie, à un pseudo modernisme, aux dépens de la réalité du terrain.

Christian PARMENTIER

14/01/2021

Les assureurs dommages malades de la peste.

 

JPD.jpg« Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés ». Comme il est logique pour une épidémie, la pandémie liée au Covid 19 n’a épargné aucun des assureurs dommages, les assureurs Vie étant quant à eux préservés. Les assureurs automobiles qui ont fait leurs choux gras de la baisse de la fréquence pendant le premier confinement, les assureurs santé qui ont gagné beaucoup d’argent, puisque pendant cette même période des clients n’allaient plus chez le médecin et les assureurs risques d’entreprises qui n’ont pas payé les pertes d’exploitation des PME et surtout celles des cafetiers restaurateurs.

S’il est vrai que la fréquence automobile a beaucoup diminué au printemps, les visites chez les médecins n’ont été que reportées à plus tard avec le risque, réel quoique difficile à évaluer, que certaines pathologies se soient aggravées et soient de ce fait plus couteuses. Quant à la polémique avec les restaurateurs, les assureurs n’ont fait qu’appliquer le contrat et la vieille règle qui veut que ce qui n’est pas garanti est exclu. L’immense majorité des contrats pertes d’exploitation ne couvraient pas le risque de pandémie, et il n’y avait pas de raison d’indemniser un événement que le contrat ne considérait pas comme un sinistre. La question est plus complexe pour les contrats de type « tous risques sauf », comme celui qu’aurait souscrit le groupe Tranchant, qui assigne son assureur avec des arguments plus solides.

Dans ce contexte il est étonnant de voir le ministre de l’économie et des finances, tel le lion de la fable, très en pointe sur le front de ceux qui veulent faire rendre gorge aux assureurs. « Car on veut souhaiter/ en toute justice que le plus coupable périsse. »Il veut les obliger à payer ce qui pas dû, et en les menaçant d’une taxe d’un montant plus élevé que les indemnisations réclamées. Qu’un ministre qui fut de droite, dont le bagage intellectuel est impressionnant et dont un frère est cadre dirigeant d’une grande société d’assurance, n’ait pas su que les charges imposées aux assureurs l’année N seront payées par les assurés l’année N+1 est incompréhensible. Un tel populisme serait pardonnable des partis d’extrême gauche ou d’extrême droite précisément parce qu’ils s’assument populistes, mais il est surprenant de la part d’un homme cultivé, entouré de collaborateurs de talents dont certains travaillent quotidiennement avec les assureurs.

Dans la ligne de ces comportements étonnants il faut évoquer la marche arrière de Bercy sur le projet de mécanisme assurantiel pour permettre l’indemnisation des entreprises si une pandémie venait à se reproduire. Il est de bon sens de dire que la seule solution pour prendre en charge ce type d’évènement est un mécanisme de type Cat Nat. L’Etat doit fixer les règles, les cotisations doivent être obligatoires et la gestion des sinistres sur le terrain laissée aux assureurs. Et ceci d’autant plus que le mécanisme Cat Nat a fait ses preuves. Alors que des projets avaient été élaborés dans le cadre d’une discussion entre les assureurs, le ministère des finances et des représentants des assurés, le ministre a décidé d’arrêter ces travaux au motif qu’un sinistre qui n’intervient qu’une fois tous les 25 ans ne relève pas de l’assurance. Ce sont les entreprises qui seront invitées à épargner pour se protéger elles-mêmes. On remarquera qu’un sinistre qui survient tous les 25 ans c’est une fréquence de 4% très supérieure à la fréquence observée en assurance incendie par exemple. Et l’on imagine l’enthousiasme des entreprises et de leurs actionnaires quand il s’agira de rogner les bénéfices pour alimenter cette épargne qui ne servira – et encore peut être – qu’une fois tous les 25 ans.

Pour terminer cette chronique des malheurs qui, tels la peste, frappent les assureurs il faut évoquer cette querelle interne à la Profession lorsque que des bancassureurs mutualistes ont décidé d’aider leurs clients chefs d’entreprises en leur attribuant une somme qui venait se substituer à ce qu’aurait apporté une garantie pertes d’exploitation. Dans un univers concurrentiel peut-on reprocher à une entreprise de profiter d’une position qui lui est favorable – un portefeuille de risques professionnels modeste par rapport à une grande masse de risques de particuliers – pour faire un geste en faveur de certains de ses clients, tout en réussissant un joli coup de pub ? Au contraire tous les assureurs malades de la peste ont crié « Haro sur le baudet. » D’autres mutuelles ont eu des gestes comparables tournés vers leurs sociétaires particuliers en restituant une partie des primes ou en prenant spontanément des engagements de non-augmentation des tarifs. Moins exposées médiatiquement elles n’ont pas été clouées au pilori par leurs concurrents. Ces gestes en faveur des clients, qu’il s’agisse de PME ou de particuliers, sont le fait d’entreprises de tailles très variables, mais qui ont en commun d’être mutualistes. De là à penser que le mutualisme est la vraie manière de faire de l’assurance au service des assurés et non des actionnaires, il n’y a qu’un pas, que l’on est tenté de franchir. Si la pandémie avait permis de revenir à ces fondamentaux on ne pourrait que s’en féliciter. « Quand le malheur ne serait bon / Qu’à mettre un sot à la raison, » écrit La Fontaine dans une fable moins connue.

Jean Pierre Daniel. Janvier 2021