13/01/2023

50ans d'Assurance

  Couv C'était comment l'Ass avant.jpg Entrer dans l’assurance c’est un peu comme entrer en religion. A la différence qu’en rejoignant les ordres on a la foi alors que pour l’assurance, c’est un pur hasard. Il y a bien eu une courte période à la fin du siècle dernier pendant laquelle des diplômés choisissaient volontairement ce secteur, sans doute attirés par la stabilité des emplois et le niveau des rémunérations (le 2e après la Banque). Il y a aussi des fils et filles d’agents qui connaissaient du coup un peu le métier. Mais pour la plupart, on se retrouve dans l’assurance sans l’avoir voulu et sans savoir à quoi cela correspond. Cela se vérifie aussi bien pour les peu diplômés que pour les ingénieurs, actuaires et X. Encore que parmi ces derniers certains ne savent toujours pas de quoi il s’agit au crépuscule de leur carrière…

Disponible à la FNAC et Amazon

14/01/2021

Les assureurs dommages malades de la peste.

 

JPD.jpg« Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés ». Comme il est logique pour une épidémie, la pandémie liée au Covid 19 n’a épargné aucun des assureurs dommages, les assureurs Vie étant quant à eux préservés. Les assureurs automobiles qui ont fait leurs choux gras de la baisse de la fréquence pendant le premier confinement, les assureurs santé qui ont gagné beaucoup d’argent, puisque pendant cette même période des clients n’allaient plus chez le médecin et les assureurs risques d’entreprises qui n’ont pas payé les pertes d’exploitation des PME et surtout celles des cafetiers restaurateurs.

S’il est vrai que la fréquence automobile a beaucoup diminué au printemps, les visites chez les médecins n’ont été que reportées à plus tard avec le risque, réel quoique difficile à évaluer, que certaines pathologies se soient aggravées et soient de ce fait plus couteuses. Quant à la polémique avec les restaurateurs, les assureurs n’ont fait qu’appliquer le contrat et la vieille règle qui veut que ce qui n’est pas garanti est exclu. L’immense majorité des contrats pertes d’exploitation ne couvraient pas le risque de pandémie, et il n’y avait pas de raison d’indemniser un événement que le contrat ne considérait pas comme un sinistre. La question est plus complexe pour les contrats de type « tous risques sauf », comme celui qu’aurait souscrit le groupe Tranchant, qui assigne son assureur avec des arguments plus solides.

Dans ce contexte il est étonnant de voir le ministre de l’économie et des finances, tel le lion de la fable, très en pointe sur le front de ceux qui veulent faire rendre gorge aux assureurs. « Car on veut souhaiter/ en toute justice que le plus coupable périsse. »Il veut les obliger à payer ce qui pas dû, et en les menaçant d’une taxe d’un montant plus élevé que les indemnisations réclamées. Qu’un ministre qui fut de droite, dont le bagage intellectuel est impressionnant et dont un frère est cadre dirigeant d’une grande société d’assurance, n’ait pas su que les charges imposées aux assureurs l’année N seront payées par les assurés l’année N+1 est incompréhensible. Un tel populisme serait pardonnable des partis d’extrême gauche ou d’extrême droite précisément parce qu’ils s’assument populistes, mais il est surprenant de la part d’un homme cultivé, entouré de collaborateurs de talents dont certains travaillent quotidiennement avec les assureurs.

Dans la ligne de ces comportements étonnants il faut évoquer la marche arrière de Bercy sur le projet de mécanisme assurantiel pour permettre l’indemnisation des entreprises si une pandémie venait à se reproduire. Il est de bon sens de dire que la seule solution pour prendre en charge ce type d’évènement est un mécanisme de type Cat Nat. L’Etat doit fixer les règles, les cotisations doivent être obligatoires et la gestion des sinistres sur le terrain laissée aux assureurs. Et ceci d’autant plus que le mécanisme Cat Nat a fait ses preuves. Alors que des projets avaient été élaborés dans le cadre d’une discussion entre les assureurs, le ministère des finances et des représentants des assurés, le ministre a décidé d’arrêter ces travaux au motif qu’un sinistre qui n’intervient qu’une fois tous les 25 ans ne relève pas de l’assurance. Ce sont les entreprises qui seront invitées à épargner pour se protéger elles-mêmes. On remarquera qu’un sinistre qui survient tous les 25 ans c’est une fréquence de 4% très supérieure à la fréquence observée en assurance incendie par exemple. Et l’on imagine l’enthousiasme des entreprises et de leurs actionnaires quand il s’agira de rogner les bénéfices pour alimenter cette épargne qui ne servira – et encore peut être – qu’une fois tous les 25 ans.

Pour terminer cette chronique des malheurs qui, tels la peste, frappent les assureurs il faut évoquer cette querelle interne à la Profession lorsque que des bancassureurs mutualistes ont décidé d’aider leurs clients chefs d’entreprises en leur attribuant une somme qui venait se substituer à ce qu’aurait apporté une garantie pertes d’exploitation. Dans un univers concurrentiel peut-on reprocher à une entreprise de profiter d’une position qui lui est favorable – un portefeuille de risques professionnels modeste par rapport à une grande masse de risques de particuliers – pour faire un geste en faveur de certains de ses clients, tout en réussissant un joli coup de pub ? Au contraire tous les assureurs malades de la peste ont crié « Haro sur le baudet. » D’autres mutuelles ont eu des gestes comparables tournés vers leurs sociétaires particuliers en restituant une partie des primes ou en prenant spontanément des engagements de non-augmentation des tarifs. Moins exposées médiatiquement elles n’ont pas été clouées au pilori par leurs concurrents. Ces gestes en faveur des clients, qu’il s’agisse de PME ou de particuliers, sont le fait d’entreprises de tailles très variables, mais qui ont en commun d’être mutualistes. De là à penser que le mutualisme est la vraie manière de faire de l’assurance au service des assurés et non des actionnaires, il n’y a qu’un pas, que l’on est tenté de franchir. Si la pandémie avait permis de revenir à ces fondamentaux on ne pourrait que s’en féliciter. « Quand le malheur ne serait bon / Qu’à mettre un sot à la raison, » écrit La Fontaine dans une fable moins connue.

Jean Pierre Daniel. Janvier 2021

15/12/2020

Imaginons l’Assurance en 2040


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Extrait des Actes 1 & 2 de la réflexion 2019 – 2020 du Think-Tank Demain l’Assurance (avant COVID)

 

L’environnement Demain

  1. Un nouvel environnement.
    L’internationalisation des marchés, la croissance de la facture énergétique, en même temps que la lutte contre la pollution et la verdinisation de l’environnement constitueront des challenges pour les années futures.

 

  1. De nouveaux risques.
    Il s’agit bien sur de tout ce qui à trait à la technologie : cybercriminalité, bugs et défaillances, robots, intelligence artificielle, blockchain,…
    Mais aussi des risques naturels liés au changement climatique : cataclysmes, inondations, sécheresse, tempêtes,…
    Et encore aux populations elles-mêmes : vieillissement, nouvelles compositions des foyers,…

 

  1. De nouveaux besoins, de nouveaux marchés.
    Les besoins des citoyens en matière de protection ne vont cesser de croître : santé avec le vieillissement de la population, chômage, retraite, dépendance, protection de l’entrepreneuriat,…
    Parallèlement à la croissance de ces besoins, l’Etat qui assure aujourd’hui 90% de la couverture sociale, est contraint de se désengager pour des raisons budgétaires, laissant apparaître des opportunités gigantesques de développement pour les organismes privés (mutualistes compris).
    Dans le même temps, l’Assurance devra remplir sa mission initiale de protection en intégrant l’amont et l’aval de son métier de base, à savoir la prévention et l’accompagnement post-sinistre.

  2. Les nouveaux comportements.
    Le sentiment de défiance vis-à-vis des institutions et des grandes organisations touche toutes les catégories puisque les citoyens accordent de plus en plus de crédit aux avis de leurs pairs.
    La digitalisation à marche forcée de la Société favorise les mutations dans les comportements de consommation : niveau d’information du consommateur, comparaison systématique, achats en ligne, priorité à l’usage plutôt qu’à la propriété,…
    Poussés par les mouvements politiques et les organisations environnementales, le consommateur devient de plus en plus exigeant quant au respect de valeurs écologiques et sociétales et certaines consommations s’en ressentent déjà ( alimentation, maîtrise du coût de l’énergie, voyages,…).

  3. Une nouvelle Relation-Client.
    L’impératif de rester en permanence au contact du client et de répondre en temps réel à ses demandes, voire les devancer, entraînera une place grandissante du digital dans la Relation-Client. Cependant, les études montrent que loin de provoquer la disparition de la relation humaine, le digital accroît la nécessité d’une présence physique dès que le client le souhaite ou pour des cas sensibles ou complexes.

Le besoin d’Assurance

Le développement des Sociétés humaines passe par la solidarité et la mutualisation des risques, c’est-à-dire par une forme d’assurance, qu’elle soit le fait de l’Etat ou d’organismes indépendants. La complexification du monde et l’apparition de nouveaux risques ne fera qu’accroître ce besoin dans les années à venir. Alors que certains risques sont appelés à régresser, de nouveaux marchés apparaissent tel que celui de l’entrepreneuriat qui, au travers de nouvelles mutualités, exprimera des besoins tant en assurance collective qu’individuelle, notamment « on demand ».

Un nécessaire repositionnement de l’Assurance

Evolution des comportements, le digital, le spectre d’arrivée de nouveaux entrants comme les GAFA, vont obliger les acteurs de l’Assurance à se repositionner au-delà de la chaîne traditionnelle. Certains atouts majeurs sont en voie de disparition, vulnérabilisant le secteur, comme l’approche du risque. En effet, la connaissance fine de la sinistralité qui était l’apanage des assureurs se voit dès aujourd’hui challengée par l’exploitation du Big Data et de l’I.A.
L’assureur de demain devra prouver son apport de valeur ajoutée au corps social. D’une activité « froide », il sera contraint de passer à une relation nourrie et positive avec ses clients/sociétaires, contraint d’apporter de l’émotion, notamment au travers d’un accompagnement débordant du strict cadre du risque.
Le rôle sociétal de l’Assurance sera à réaffirmer au cours des prochaines années ainsi que l’engagement des acteurs dans les causes environnementales et de responsabilité sociale. La notion de « raison d’être » gagnant du terrain, les entreprises d’assurance seront de plus en plus nombreuses à s’inspirer du concept « d’entreprise à mission ».


Des offres à réinventer

Pour répondre au plus près des attentes des clients/sociétaires, les offres seront de plus en plus conçues dans le cadre de processus agiles (Test & Learn), en s’appuyant sur les moments de vie (passage d’un marketing de l’offre à un marketing de la demande).
Au-delà des garanties à créer, le développement se fera dans le domaine des services en créant des écosystèmes conçus pour répondre à un besoins large sécurisant l’assuré et en partenariat avec les compétences externes nécessaires. Partant, l’économie de ces écosystèmes de services est à inventer puisqu’il s’agira de financer ces offres et non d’inclure des briques de services en complément du contrat d’assurance.
Parallèlement, de nouveaux métiers apparaîtront pour gérer ces services et ces partenariats.

Des stratégies vraiment différenciatrices à concevoir

Ainsi, pour répondre à ces bouleversements, les opérateurs de l’Assurance (au sens large : sociétés, mutuelles, IP,…) auront le choix entre divers positionnements stratégiques possibles :

  1. S’affranchir ou pas de la tutelle étatique. Aujourd’hui, la majorité des offres sont conçues sous contrainte de l’Etat : c’est le cas de la Santé où tous les opérateurs proposent des contrats dits responsables dont les garanties sont normalisées ; c’est d’une certaine façon aussi le cas de l’assurance automobile obligatoire et de l’assurance habitation avec sa partie catastrophes naturelles ; c’est bien sûr le cas de l’épargne, tellement encadrée et normalisée (loi Pacte).
    Cet état de fait laisse peu de place à l’innovation de rupture et tous les opérateurs se concurrencent dans un « océan rouge ».
    Le choix est donc possible – au moins pour certains risques – de développer des offres assurantielles vraiment différenciantes.

  2. Miser sur le remplacement des populations; autrement dit qu’à horizon 2040 la fracture digitale ne sera plus qu’un souvenir. Toute la relation avec le client mais aussi les autres participants à l’acte d’assurance sera digitalisée. Les conditions seront simplifiées et standardisées de façon à pouvoir coller aux usages ; c’est le règne de l’Assurance « commodity ». Partant, le secteur privé demeurera largement un acteur complémentaire des protections fournies par l’Etat.

  3. Mixer Standardisation/Digitalisation et Relation Humaine. Dans ce cas de figure, les acteurs privés développeront des écosystèmes de services. Il s’agit là d’un réel changement de paradigme puisqu’au lieu de se concentrer sur la réparation du sinistre, les entreprises d’assurance intègreront à la fois la prévention du risque et l’accompagnement post-sinistre. Ces acteurs inaugurent un nouveau contrat avec le client : éviter la survenue d’accident ou de maladie, puis prendre en charge et accompagner en cas de réalisation. Ce faisant, elles investissent de nouveaux pans assurantiels délaissés en partie par l’Etat (chômage, retraite, dépendance,…).

  4. La spécialisation. Il y aura toujours des assureurs spécialisés dans des domaines précis où la technicité et/ou l’approche affinitaire est un atout majeur : risques technologiques, marché des entreprises, segments de population définis (motards, risques aggravés, population en rupture digitale,…).

Selon les options choisies, les entreprises pourront définir des politiques de marques spécifiques – ce que n’a encore jamais bien su faire l’Assurance. Un même groupe peut être présent selon plusieurs stratégies mais avec des entités identifiées, tout en gardant la référence du groupe, gage de fiabilité et de solvabilité. D’autres secteurs qui ont bien réussi dans ce domaine seront des benchmarks intéressants (Accor, L’Oréal, Henkel , VAG,…).

Des canaux de distributions renforcés

Malgré les profonds changements de l’environnement et les pressions concurrentielles, les acteurs historiques de l’assurance sont toujours en place et le resteront.
Les études montrent que malgré l’avancée du digital, la relation humaine reste prépondérante.
L’I.A. est un facteur d’accroissement de la performance et de la pertinence des réseaux. Leur valeur ajoutée en sera renforcée (conseiller augmenté). Le mix Humain/Digital est la voie du futur.
Cependant, de nouveaux entrants tenteront de s’infiltrer, notamment en maîtrisant mieux l’I.A. et en intégrant l’assurance dans leurs produits ou services.