15/12/2020

Imaginons l’Assurance en 2040


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Extrait des Actes 1 & 2 de la réflexion 2019 – 2020 du Think-Tank Demain l’Assurance (avant COVID)

 

L’environnement Demain

  1. Un nouvel environnement.
    L’internationalisation des marchés, la croissance de la facture énergétique, en même temps que la lutte contre la pollution et la verdinisation de l’environnement constitueront des challenges pour les années futures.

 

  1. De nouveaux risques.
    Il s’agit bien sur de tout ce qui à trait à la technologie : cybercriminalité, bugs et défaillances, robots, intelligence artificielle, blockchain,…
    Mais aussi des risques naturels liés au changement climatique : cataclysmes, inondations, sécheresse, tempêtes,…
    Et encore aux populations elles-mêmes : vieillissement, nouvelles compositions des foyers,…

 

  1. De nouveaux besoins, de nouveaux marchés.
    Les besoins des citoyens en matière de protection ne vont cesser de croître : santé avec le vieillissement de la population, chômage, retraite, dépendance, protection de l’entrepreneuriat,…
    Parallèlement à la croissance de ces besoins, l’Etat qui assure aujourd’hui 90% de la couverture sociale, est contraint de se désengager pour des raisons budgétaires, laissant apparaître des opportunités gigantesques de développement pour les organismes privés (mutualistes compris).
    Dans le même temps, l’Assurance devra remplir sa mission initiale de protection en intégrant l’amont et l’aval de son métier de base, à savoir la prévention et l’accompagnement post-sinistre.

  2. Les nouveaux comportements.
    Le sentiment de défiance vis-à-vis des institutions et des grandes organisations touche toutes les catégories puisque les citoyens accordent de plus en plus de crédit aux avis de leurs pairs.
    La digitalisation à marche forcée de la Société favorise les mutations dans les comportements de consommation : niveau d’information du consommateur, comparaison systématique, achats en ligne, priorité à l’usage plutôt qu’à la propriété,…
    Poussés par les mouvements politiques et les organisations environnementales, le consommateur devient de plus en plus exigeant quant au respect de valeurs écologiques et sociétales et certaines consommations s’en ressentent déjà ( alimentation, maîtrise du coût de l’énergie, voyages,…).

  3. Une nouvelle Relation-Client.
    L’impératif de rester en permanence au contact du client et de répondre en temps réel à ses demandes, voire les devancer, entraînera une place grandissante du digital dans la Relation-Client. Cependant, les études montrent que loin de provoquer la disparition de la relation humaine, le digital accroît la nécessité d’une présence physique dès que le client le souhaite ou pour des cas sensibles ou complexes.

Le besoin d’Assurance

Le développement des Sociétés humaines passe par la solidarité et la mutualisation des risques, c’est-à-dire par une forme d’assurance, qu’elle soit le fait de l’Etat ou d’organismes indépendants. La complexification du monde et l’apparition de nouveaux risques ne fera qu’accroître ce besoin dans les années à venir. Alors que certains risques sont appelés à régresser, de nouveaux marchés apparaissent tel que celui de l’entrepreneuriat qui, au travers de nouvelles mutualités, exprimera des besoins tant en assurance collective qu’individuelle, notamment « on demand ».

Un nécessaire repositionnement de l’Assurance

Evolution des comportements, le digital, le spectre d’arrivée de nouveaux entrants comme les GAFA, vont obliger les acteurs de l’Assurance à se repositionner au-delà de la chaîne traditionnelle. Certains atouts majeurs sont en voie de disparition, vulnérabilisant le secteur, comme l’approche du risque. En effet, la connaissance fine de la sinistralité qui était l’apanage des assureurs se voit dès aujourd’hui challengée par l’exploitation du Big Data et de l’I.A.
L’assureur de demain devra prouver son apport de valeur ajoutée au corps social. D’une activité « froide », il sera contraint de passer à une relation nourrie et positive avec ses clients/sociétaires, contraint d’apporter de l’émotion, notamment au travers d’un accompagnement débordant du strict cadre du risque.
Le rôle sociétal de l’Assurance sera à réaffirmer au cours des prochaines années ainsi que l’engagement des acteurs dans les causes environnementales et de responsabilité sociale. La notion de « raison d’être » gagnant du terrain, les entreprises d’assurance seront de plus en plus nombreuses à s’inspirer du concept « d’entreprise à mission ».


Des offres à réinventer

Pour répondre au plus près des attentes des clients/sociétaires, les offres seront de plus en plus conçues dans le cadre de processus agiles (Test & Learn), en s’appuyant sur les moments de vie (passage d’un marketing de l’offre à un marketing de la demande).
Au-delà des garanties à créer, le développement se fera dans le domaine des services en créant des écosystèmes conçus pour répondre à un besoins large sécurisant l’assuré et en partenariat avec les compétences externes nécessaires. Partant, l’économie de ces écosystèmes de services est à inventer puisqu’il s’agira de financer ces offres et non d’inclure des briques de services en complément du contrat d’assurance.
Parallèlement, de nouveaux métiers apparaîtront pour gérer ces services et ces partenariats.

Des stratégies vraiment différenciatrices à concevoir

Ainsi, pour répondre à ces bouleversements, les opérateurs de l’Assurance (au sens large : sociétés, mutuelles, IP,…) auront le choix entre divers positionnements stratégiques possibles :

  1. S’affranchir ou pas de la tutelle étatique. Aujourd’hui, la majorité des offres sont conçues sous contrainte de l’Etat : c’est le cas de la Santé où tous les opérateurs proposent des contrats dits responsables dont les garanties sont normalisées ; c’est d’une certaine façon aussi le cas de l’assurance automobile obligatoire et de l’assurance habitation avec sa partie catastrophes naturelles ; c’est bien sûr le cas de l’épargne, tellement encadrée et normalisée (loi Pacte).
    Cet état de fait laisse peu de place à l’innovation de rupture et tous les opérateurs se concurrencent dans un « océan rouge ».
    Le choix est donc possible – au moins pour certains risques – de développer des offres assurantielles vraiment différenciantes.

  2. Miser sur le remplacement des populations; autrement dit qu’à horizon 2040 la fracture digitale ne sera plus qu’un souvenir. Toute la relation avec le client mais aussi les autres participants à l’acte d’assurance sera digitalisée. Les conditions seront simplifiées et standardisées de façon à pouvoir coller aux usages ; c’est le règne de l’Assurance « commodity ». Partant, le secteur privé demeurera largement un acteur complémentaire des protections fournies par l’Etat.

  3. Mixer Standardisation/Digitalisation et Relation Humaine. Dans ce cas de figure, les acteurs privés développeront des écosystèmes de services. Il s’agit là d’un réel changement de paradigme puisqu’au lieu de se concentrer sur la réparation du sinistre, les entreprises d’assurance intègreront à la fois la prévention du risque et l’accompagnement post-sinistre. Ces acteurs inaugurent un nouveau contrat avec le client : éviter la survenue d’accident ou de maladie, puis prendre en charge et accompagner en cas de réalisation. Ce faisant, elles investissent de nouveaux pans assurantiels délaissés en partie par l’Etat (chômage, retraite, dépendance,…).

  4. La spécialisation. Il y aura toujours des assureurs spécialisés dans des domaines précis où la technicité et/ou l’approche affinitaire est un atout majeur : risques technologiques, marché des entreprises, segments de population définis (motards, risques aggravés, population en rupture digitale,…).

Selon les options choisies, les entreprises pourront définir des politiques de marques spécifiques – ce que n’a encore jamais bien su faire l’Assurance. Un même groupe peut être présent selon plusieurs stratégies mais avec des entités identifiées, tout en gardant la référence du groupe, gage de fiabilité et de solvabilité. D’autres secteurs qui ont bien réussi dans ce domaine seront des benchmarks intéressants (Accor, L’Oréal, Henkel , VAG,…).

Des canaux de distributions renforcés

Malgré les profonds changements de l’environnement et les pressions concurrentielles, les acteurs historiques de l’assurance sont toujours en place et le resteront.
Les études montrent que malgré l’avancée du digital, la relation humaine reste prépondérante.
L’I.A. est un facteur d’accroissement de la performance et de la pertinence des réseaux. Leur valeur ajoutée en sera renforcée (conseiller augmenté). Le mix Humain/Digital est la voie du futur.
Cependant, de nouveaux entrants tenteront de s’infiltrer, notamment en maîtrisant mieux l’I.A. et en intégrant l’assurance dans leurs produits ou services.

04/04/2019

Le « tout-technologie » au service de la Relation-Client : une fausse bonne idée ?

Alors que nombre d’acteurs du secteur des services – et en particulier de la Banque et de l’Assurance – ne jurent que par le développement de technologies (I.A., chats, bots,…) pour gérer le contact client, le flop de l’hôtel Henn-ha près de Nagasaki fournit un éclairage intéressant.
C’est un article de La Tribune (https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/relation-client-les-lecons-de-l-echec-du-premier-hotel-entierement-robotise-809740.html) qui relate la mise en place de robots à l’accueil de l’hôtel en remplacement du personnel habituel en chair et en os.
Si leur efficacité s’est avérée pour des demandes très simples, il n’en fut pas de même pour traiter des demandes, questions, attentes plus subtiles. Ceux-ci se montrant incapables (en l’état actuel de leur développement en tout cas) d’empathie, d’adaptabilité, d’intelligence des situations.
Résultat : une grande partie des robots de l’hôtel a tout simplement été supprimée pour manque d’efficacité.

Voici donc un beau sujet de réflexion pour les assureurs (c’est sans doute déjà trop tard pour les banquiers !) : la Relation-Client, ce n’est pas que le traitement efficace des demandes D2R2.jpgdans le cadre des quelques processus-clés !
Quand un client souscrit, quand il pose une question, il y a généralement une inquiétude sous-jacente. Il faut la comprendre, aller au-delà de ses interrogations, le rassurer.
Quand au sinistre, même lorsqu’il ne s’agit que de tôle froissée, c’est souvent un traumatisme pour le client. Dès lors, que penser de campagnes de communication arguant que l’on peut déclarer un sinistre en 3 clics ?
Oui, la technologie permet d’améliorer le service au client, mais jusqu’à preuve du contraire, le « tout technologie » n’est pas le Graal. Grâce à la technologie, le conseiller (augmenté) valorise son rôle et répond à un vrai besoin du client face à ce monde ténébreux qu’est l’Assurance.
Ne nous trompons pas de stratégie !

16/07/2018

Nouvelles approches, nouveaux concepts : épiphénomènes ou prémisses de disruption ?

 Lepine.jpg Le domaine de l’Assurance est en permanence challengé par de nouvelles approches, la plupart du temps basées sur les technologies de communication : Collaboratif, PHYD, Assurance On Demand, Affinitaire, P2P,…
Comme toutes les innovations, il y a fort à parier que 90% seront des échecs. Cependant, les 10% restant sont-ils de nature à révolutionner en profondeur les mécanismes assurantiels ? Et avec quelle rapidité ?
Les experts et professionnels  invités lors de la Matinée d’Echanges du 12 juin  (voir programme : https://www.newsassurancespro.com/produit/nouvelles-approches-nouveaux-concepts-epiphenomenes-premisses-de-disruption), à défaut de dégager des certitudes absolues,  ont permis d’y voir un peu plus clair.
Les angoisses liées à ces nouvelles approches ne sont pas liées à l’innovation elle-même ; l’Assurance n’a, depuis des décennies, cessé d’innover, de se transformer. Non, l’angoisse est, au-delà de la disruption, celle de l’ubérisation ; c'est-à-dire du nouvel entrant complètement étranger au secteur qui raflerait les marchés sans les contraintes des acteurs en place comme cela a été le cas en matière de taxi (Uber) ou  d’hébergement (RBnB).
Ces ubérisateurs sont dans 95% des cas étrangers au secteur qu’ils investissent et, pour ce faire, s’appuient sur un modèle économique innovant, s’affranchissant des règles établies et proposant une nouvelle façon de travailler. La technologie n’est qu’un moyen au service de la stratégie. Elle constitue cependant un levier majeur et est à l’origine de la plupart des mutations. En effet, les trois sous-jacents de l’ubérisation sont :
- le numérique pour tous
- la modification de la consommation liée au digital (comparaison, infidélité, notation, UX,…)
-l’indépendance plus grande (notion d’usage, nouveaux modes de travail,…)
L’ubérisation est un phénomène rapide : tous ses acteurs bien connus ont moins de 10 ans.
On en distingue trois types :
- ceux qui s’attaquent au cœur de métier
- ceux qui s’attaquent à la distribution
- ceux qui s’appuient sur les nouveaux usages

Si la transformation radicale d’un marché est le fait d’acteurs proposant de nouvelles offres, de nouvelles expériences, elle est aussi facilitée par les comportements des consommateurs. En ce sens, l’émergence d’approches affinitaires répond au souhait d’adaptation de l’assurance à la situation précise de l’individu.

Aujourd’hui, le marché se compose de multiples générations. On a beaucoup parlé des X, puis des Y et maintenant des Z. Mais la génération future sera celle des Alpha, c'est-à-dire alimentée par ceux qui naissent actuellement et qui ne connaîtront que l’âge du numérique, du  sans-couture, de la transparence, de l’oral. Le jeu et le divertissement tiendront pour eux une place majeure et l’optimisme sera de retour (paraît-il)…
Mais si la transformation radicale de l’Assurance peut être le fait de l’arrivée au pouvoir des Alpha, il faut néanmoins anticiper les risques de disruption, voire s’auto-disrupter.
Pour ce faire, le meilleur moyen reste d’écouter le client. La veille actuelle est trop souvent axée sur la surveillance de l’existant, sur ce qui se dit sur la marque alors que c’est la catégorie qu’il faut étudier et comprendre comment les consommateurs vont vivre demain.  A cet égard, l’avènement du Web 4.0 avec le Phygital  (mix du digital et du physique) est déjà parfaitement d’actualité avec les objets qui rendent service.
La transformation radicale est bien du domaine de la stratégie d’entreprise. Le digital n’apparaît alors que comme un moyen. Cependant, s’il modifie le business-model, il devient une finalité ; de fait il est du domaine de la direction générale et fait l’objet d’une réflexion à long terme : nouveau regard sur le marché, questionnement sur le business-model, ROI difficile à prédire, besoin d’équipes au profil digital.
A l’opposé, le digital au service de la performance opérationnelle  reste un moyen au service d’une vision plus  court-termiste, permettant un ROI mesurable.
La démarche de disruption commence par l’identification des aspirations des consommateurs et des irritants, sachant qu’en la matière de nouveaux standards sont imposés par les nouveaux entrants... Il faut ensuite faire abstraction de l’organisation pour construire un nouveau business-model, comme l’a fait OSCAR aux USA.
Aujourd’hui, il n’existe guère d’exemple de disruption massive dans le domaine de l’assurance. L’inertie du consommateur y est pour beaucoup car l’assurance n’est pas au cœur des préoccupations et de l’intérêt des clients. Les innovations mises en marché concernent des niches de marché souvent délaissées par les assureurs et peinent à trouver leur essor à moins d’être épaulées par des groupes d’assurance puissants. Ces offres spécifiques qui complètent les contrats classiques sont alors conçues avec une extrême simplification au niveau de la souscription. Reste que lorsque que l’offre émane d’un assureur, le risque existe que les clients demandent  soit à en bénéficier, soit  à aménager leur contrat en cours pour en réduire le coût…
Un autre obstacle est celui de la règlementation. L’assurance est une activité très encadrée (de plus en plus…) et gourmande en capitaux (pour une rentabilité pas toujours au rendez-vous !).
Des innovations récentes se sont ainsi heurtées à une réalité simple : rassembler des individus en vue de prendre en charge un risque aléatoire est une opération d’assurance et de ce fait est soumis aux mêmes règles que les acteurs en place…
A défaut de réinventer l’Assurance libérée de Solva 2, DDA et autres obligations, les disrupteurs  ont sans doute devant eux un gisement à exploiter, notamment  en s’appuyant sur l’Intelligence Artificielle : la distribution. Et la, il va y avoir du sport…