17/07/2014

Non, Google n’est pas un futur assureur

Souvent on entend les oracles modernes avancer que l’Assurance est morte et que la remplaçante s’appellera Google, Amazon, ou encore Facebook !
Pour preuve, leur fantastique capacité d’innovation, de création de nouveaux marchés, leur capitalisation boursière et  leur appétit à acquérir d’autres firmes, concurrentes ou non.
Pour preuve aussi les gigantesques quantités de données récoltées par ces acteurs du Net à un moment où l’on prédit que la donnée sera l’élément essentiel de l’économie de demain.
Pour preuve aussi les incursions dans des domaines financiers tels que la Banque et l’Assurance, notamment l’investissement dans les comparateurs, même si l’expérience française a pour l’instant tourné court.
De là à penser que ces opérateurs pourraient venir tailler des croupières aux assureurs en place, il n’y a qu’un pas que franchissent allègrement les consultants flairant de nouveaux budgets et  les prédicateurs internes aimant à se faire peur.
Si l’on analyse la situation en connaissance de la profession (ce qui est rarement le cas de ces derniers), on constate que :
- Google tire une part de plus en plus importante de ses revenus de la revente de données acquises au travers de son moteur et des différentes applications. Les assureurs, de leur côté, auront de plus en plus recours aux données externes pour capter et tarifer la clientèle. Entrer en conflit avec ses principaux clients serait contre-productif…
- A moins que cela ne rapporte davantage que le commerce des données ! Or, ce n’est pas le cas. L’Assurance est soumise à toutes sortes de contraintes et cela ne fait qu’empirer. L’exercice de la profession oblige à des investissements capitalistiques très importants et la moindre prise de risque (ce qui est tout de même,  rappelons - le,  l’essence même de l’assurance) est sanctionnée par une mobilisation  accrue de fonds propres (cf. Solva 2)
En outre, bien que gérant des sommes colossales (ce qui peut faire rêver), les compagnies d’assurance affichent un ratio bénéfice/CA très faible.
- L’essentiel du marché des particuliers (auto, habitation, santé) est soumis à une très forte concurrence ; les contrats sont standardisés et très proches d’une société à une autre et, surtout, ils sont juridiquement régis et gérés par les mêmes règles. L’innovation qui s’affranchirait  de ces règles  se heurterait vite aux coûts qui y seraient liés. Ainsi, une assurance auto, c’est avant tout la responsabilité civile obligatoire (donc notamment la gestion de sinistres judiciarisés) ; c’est ensuite la garantie Dommages au véhicule. Statistiquement l’assuré est responsable dans un cas sur deux. Cela signifie que pour la moitié des accidents, la compagnie récupère le montant du sinistre auprès de l’assureur du responsable (même si cela est forfaitisé), ce qui diminue fortement la charge des sinistres (et seuls les assureurs sont subrogés dans les droits de leurs clients). Au-delà, toutes les compagnies ont mis en place des conventions permettant, la loi des grands nombres jouant, de simplifier les procédures et  partant, de limiter les coûts de gestion. Quelle innovation pourrait être moins couteuse ?
On peut tenir le même type de démonstration pour l’assurance habitation (ex. convention CIDRE).
Quant à la Santé, c’est l’Etat qui fixe les règles : contrat responsable, franchise obligatoire, etc. et plus récemment limitation du remboursement pour l’optique…
- L’innovation apportée par de nouveaux entrants ne peut donc porter que sur de nouvelles offres hors des grands portefeuilles détenus par les compagnies. Dans ce cas, il faudra convaincre le consommateur d’investir encore davantage dans des produits d’assurance. Certes, les besoins existent et certains vont se développer (vieillissement, chômage, risques liés à Internet…) : le problème est que la crise se pérennisant les consommateurs sont chaque jour contraints à davantage d’arbitrages budgétaires ; ce n’est certainement pas pour surajouter des contrats d’assurance dans leurs dépenses !

Néanmoins,  un espoir est permis pour ces nouveaux entrants : si l’on se rappelle la prophétie de Jean-Claude SEYS, Président du think-tank Institut Montaigne, lors d’un récent Colloque du LAB : le PIB de la France devra doubler au cours des prochaines décennies, et cela se fera exclusivement au travers de produits et services encore inexistants aujourd’hui. Certes, cette croissance ne se perçoit pas aujourd’hui, mais on peut rêver pour les années futures à un gouvernement privilégiant la croissance et l’innovation plutôt que la sanction et l’impôt. Alors, dans cette hypothèse, OUI, les nouveaux entrants pourraient prendre une part majeure du nouveau gâteau.

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