10/04/2017

La directive DDA : énoncer des évidences et remettre en cause la fonction commerciale.

JPD.jpgpar Jean-Pierre Daniel, Dirigeant de Vigie

Si la directive DDA peut faire l’objet de critiques, un point positif - un seul- doit être souligné. Le texte indique qu’il s’appliquera à tous ceux qui vendent de l’assurance quel que soit le statut juridique du producteur ou du distributeur. En France où mutuelles sans intermédiaires et banques ont fait le choix de bien former leur personnel, cela sera sans conséquences mais cette égalité de traitement aura des effets positifs pour le consommateur sur les marchés où traditionnellement la formation n’est pas perçue comme indispensable.

A part cet élargissement de son champ d’application par rapport à la directive de 2002, le reste du texte suscite beaucoup d’interrogations. De nombreuses dispositions consistent à obliger les entreprises à faire ce qu’elles font déjà. Les sociétés, dans la logique de Solvabilité II, devront écrire les politiques préalables au lancement d’un produit sur le marché, comme si aujourd’hui les entreprises ne réalisaient pas d’études et n’établissaient pas de business plan au moment du lancement d’un produit. Il faudra évaluer régulièrement si le produit correspond toujours aux besoins du marché. En général il suffit de constater la baisse des ventes pour faire ce constat. Les distributeurs quant à eux – et tous les distributeurs quels que soient leur taille et leurs moyens - devront définir une stratégie de distribution et remonter des informations vers le producteur du produit. On mesure la pertinence de cette exigence pour l’agent général par nature multi-produit et multi-clientèle ou, à l’inverse, pour le producteur salarié qui n’a à sa disposition qu’une gamme de produits proposés par une seule société.

Si l’on regarde du côté du courtage ou des CGPI, on retrouve l’exigence d’une « analyse impartiale et personnalisée » des contrats du marché qui commençait à poindre dans le texte de 2002. Il n’est pas difficile de mesurer ce que ces concepts ont de flou sur le plan juridique et l’on voit d’ici les avocats spécialisés se frotter les mains.

Sur le plan des rémunérations, la Profession peut se réjouir du fait que les commissions n’ont pas été interdites mais il s’agit largement d’une victoire à la Pyrrhus. Il sera en effet interdit d’orienter les ventes en modifiant les modes de rémunération et toute incitation « financière ou non financière » faite aux distributeurs sera interdite. Si ce précepte devait être pris au pied de la lettre -ce qu’à Dieu ne plaise- ce serait la fin de la fonction commerciale. Que fait un directeur commercial, si ce n’est piloter ses commerciaux pour qu’ils vendent les produits que l’entreprise souhaite vendre ?

Au total on ne peut s’empêcher de s’interroger sur l’opportunité de faire entrer en vigueur un texte d’inspiration si délibérément anglo-saxonne au moment où les britanniques sortent de l’Union. Les scandales de misselling qui, au cours des dernières années, ont secoué le marché britannique auraient dû conduire la Commission à s’interroger sur l’efficacité d’un système de contrôle basé sur le formalisme et la lourdeur de l’écrit. Nul ne conteste la nécessité d’informer le consommateur et de former les réseaux. On aurait pu penser que les règles en vigueur dans les grands pays du Vieux Continent avaient fait leur preuve, et qu’y ajouter ce formalisme ne pourrait qu’encourager les plus imaginatifs à contourner les règles.

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