04/02/2021

XXIe siècle : l’Assurance doit changer de paradigme

image paradigme.jpgDepuis le 15e siècle à Gênes, le contrat d’assurance – appelé alors Prêt à la Grosse – matérialise l’engagement des parties. C’est un acte juridique écrit. Les premières formulations se sont enrichies au fil du temps pour devenir aujourd’hui des polices de plus ou moins 70 pages. Mais certains se souviendront que dans les années 50 et 60, le contrat d’assurance tenait en quelques pages ; témoin ce contrat MRH du Phénix retrouvé dans les archives de mes parents, datant de 1965, contenant 4 pages…
Au fur et à mesure de la découverte d’événements non prévus et répondant aux attentes des clients et, surtout, dès les débuts du Marketing dans l’assurance (1975), les garanties se sont étoffées de « plus-produits » d’abord en option puis intégrés. Ce fut notamment le cas des garanties complémentaires auto dans les années 70, dont l’annexe devenait presque aussi volumineuse que le contrat principal.
Pour être tout à fait honnête, il faut aussi reconnaître que l’expérience des sinistres a parallèlement poussé à restreindre le champ de certaines garanties soit au niveau de leur définition, soit par l’introduction d’exclusions. Dans ces années d’ouverture de l’assurance à la notion de client et donc de l’approche marketing, des tentatives furent faites pour clarifier les contrats. C’est ainsi qu’en 1977 je créais à l’UAP le premier contrat en langage clair. Une MRH de huit pages en corps 12, sans texte de loi concoctée avec des focus-groups de clients (on parle aujourd’hui de Design-Thinking, mais l’idée n’est pas récente)… D’autres, comme VIA Assurances (Le Nord + Le Monde devenus ensuite Allianz) ont même édité des conditions générales illustrées. Un peu plus tard, avec l’idée d’éviter de distribuer des dizaines de milliers de CG, des compagnies ont diffusé des documents synthétiques, tel le tryptique de PFA reprenant l’essentiel des CG. C’est un peu l’IPID d’aujourd’hui en plus esthétique !
Durant ces années-là, l’assuré se contentait de ce type d’information, notamment parce qu’il avait accès à un conseiller qu’il connaissait souvent personnellement et dont la mission était de lui expliquer, de le conseiller, d’apaiser les conflits, « d’éteindre le feu », quitte à rejeter la faute sur la compagnie, …

Pour prendre en compte l’évolution des attentes, les assureurs ont peaufiné leurs couvertures, généralisé l’assistance qui permet d’intervenir sur place lors d’un sinistre, d’aider à surmonter un événement y compris sur le plan psychologique.
Le souhait ultime de l’assuré qui voudrait que l’on efface totalement le sinistre pour revenir à la situation antérieure étant irréalisable, de nombreuses avancées ont été faites : assistance, valeur à neuf, pertes indirectes, pertes d’exploitation,…
Le monde a changé et les tendances déjà en cours se sont trouvées amplifiées avec la crise du coronavirus. Ainsi l’indemnisation au plus juste, ou comme disent les régleurs de sinistres « payer tout ce que l’on doit, mais rien que ce que l’on doit », ne marche plus. Au même titre que le citoyen attend de l’Etat, des organismes sociaux, etc. des aides « quoiqu’il en coûte », il attend de plus en plus de l’Assurance une prise en charge au-delà des écrits abscons. On l’a vu lors de cette crise, refuser une indemnisation alors que la garantie figure au contrat – même contestée – est devenu inadmissible. Tout comme est inadmissible l’envoi d’avenant de résiliation de ladite garantie.
L’image de la profession en est salie et les coûteuses campagnes de communications n’y changeront rien.
Prendre en charge plus largement et avec empathie les attentes des assurés représente un vrai changement de paradigme pour l’Assurance car il n’est plus possible de n’appuyer sa technique que sur le passé, il faut anticiper les crises, pandémies, nouveaux risques,...
Il faut aussi remettre à plat le modèle de financement des risques.
Et, bien sûr, reconsidérer le rapport au client, autrement que par des incantations façon « Customer Centric ».
Le citoyen attend de l’Assurance un rôle social, est prêt à accorder sa confiance pour autant qu’elle soit méritée.
C’est aussi le moyen d’éviter les interventions trop fréquentes de l’Etat dans ce domaine et de contrecarrer les ambitions de nouveaux entrants type GAFA notamment.
C’est à ce prix que l’Assurance pourra continuer de grandir dans notre Société et à la faire grandir. Il n’y a aucun doute quant à l’avenir, l’Assurance restera présente, mais peut-être pas les assureurs du siècle précédent…

Les commentaires sont fermés.