25/03/2015

Les Centres d’illusion de Relation Clients

Il est toujours étonnant pour un observateur avisé (qualificatif que je m’attribue en raison de mon appartenance aux deux mondes : assureur et assuré), de constater que chaque année le secteur de l’Assurance, mais aussi celui de la Banque, se congratule autour de résultats mirobolants concernant la qualité de leur Relation Client et plus précisément de l’excellence de leurs Centres de Relation Clients ; autrement dit, les plateformes téléphoniques maintenant incontournables lorsque l’on veut joindre son assureur ou son banquier.

L’histoire a réellement débuté dans les années 90.
centre-d-appel-teleassistance-delocalisation.jpgIl apparaissait alors d’une modernité absolue de délester les réseaux des contacts clients, qu’ils soient physiques ou téléphoniques en les transférant sur des plateformes téléphoniques (à l’époque situées en France). La justification – argumentée  par les cabinets de consultants pour qui les budgets de transformation des organisations étaient fort appétissants – était évidente :
- en retirant les contacts dits « sans valeur ajoutée », on concentrerait les réseaux sur leur vocation première : vendre
- en traitant directement avec le client, c’est l’image de la société (surtout dans l’Assurance) qui serait valorisée, plutôt que celle du point de vente
- en traitant de façon centralisée les questions, la gestion, les sinistres, on pourrait mettre en place des processus uniques et mieux maîtriser la communication et les coûts
- accessoirement, le service au client serait accru car les plages de réception seraient plus larges que celles de agences
Enfin, la mise en place de plateformes scellait l’arrivée du secteur dans l’ère de l’industrialisation dont on parlait depuis au moins 20 ans sans vraiment en voir la concrétisation.
Cette industrialisation a parfois atteint ses limites avec la mise en place d’automates et la délocalisation vers des pays à bas coût de main d’œuvre.

Aujourd’hui, il est difficile, pour ne pas dire impossible, d’entrer en contact avec son banquier, son assureur, son courtier autrement que par un service téléphonique souvent injoignable, parfois incompétent.
Il est devenu impossible d’obtenir un interlocuteur qualifié. Si les clients s’en plaignent, c’est surtout les forces de terrain qui en font les frais : diminution des compétences, dictature des process, suppression des initiatives…
Quand on est client aujourd’hui, on rêve de pouvoir joindre son conseiller bancaire en moins de 48h (il y a même un spot de pub d’une banque qui s’en vante sans pour autant faire mieux que les autres !), de pouvoir poser une question à un assureur qui connaît sa situation et non à quelqu’un à qui il faut réexpliquer à chaque appel l’histoire depuis sa genèse.
L’exaspération des clients de la téléphonie et des FAI devrait servir d’enseignement. Au contraire, il semble que les dirigeants ne jurent que par ces organisations ; au point d’en débaucher  des transfuges, témoins de la modernité de leur patrons, mais n’apporteront jamais de valeur ajoutée à notre profession et regagneront vite leurs anciennes usines en ayant au passage touché un pactole !
Non, la vraie Relation Client ce n’est pas la mise en batterie (comme des poulets ?) de personnels mal payés et parlant quelquefois un français approximatif !

Mais un danger bien plus grand guette les clients : le Self-Care. Traduisez « démerdes-toi toi-même ».
Il s’agit du fin du fin de l’hypocrisie : en arguant de développer des moyens modernes via le net et les réseaux sociaux, ce sont les internautes eux-mêmes qui vont répondre à leurs propres questions…

 

Et ça se paie, ça ?

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